On l’a rencontré, une première fois, devant un arrêt de bus de Pantin, en banlieue parisienne, un matin blafard. On avait réservé un covoiturage pour Rennes. Un peu éberlué, on a salué ce grand bonhomme sans âge, drapé de bleu indigo, le visage couvert par un chèche, un baluchon de bijoux à l’épaule. Il attendait la prof d’espagnol qui devait nous conduire en Bretagne. Aboubacar Ahmed était en voyage d’affaires, représentant une coopérative d’artisans basée à Niamey, la capitale du Niger. De comité d’entreprises en vente privée, parfois sur des marchés, il venait écouler ses bracelets d’argent. Une ONG avait aidé à payer son billet d’avion. Pour le reste, la débrouille, avec, au bled, une famille à nourrir et un foyer pour ados touaregs à maintenir à flots. Trois heures de conversation plus tard, on notait un numéro de téléphone et une adresse électronique, et promettait de le revoir.